Quand la beauté nous oblige…

Face à la période que nous traversons, cernés par une violence multiforme, voici qu’une œuvre d’art vient bouleverser notre Histoire.
Des milliers de « petites mains », comme on dit dans l’univers de la couture, ont rejoint par-delà les âges des milliers d’autres mains qui ont lentement façonné Notre-Dame.

À l’heure où, au péril de leur vie, les femmes iraniennes réclament la vie et la liberté, le terme Dame -, tout à la fois issu de l’amour courtois célébré par les troubadours et de la croyance populaire, vient à point nommé nous rappeler la dignité de toutes les femmes et le devoir de les sortir de l’esclavage sous tous ses aspects… en Orient comme en Occident.

Le moyen-âge chrétien a, en effet, à sa manière, honoré le féminin en privilégiant sa capacité de compassion, au point de vouloir que la compassion soit souveraine et universelle.
La Dame élue par tous, Notre Dame, a d’abord été choisie pour accueillir et protéger les malheureux, les misérables, toutes les Cosette et les Gavroche immortalisés par Victor Hugo.
Et si, couronnée, elle accueille aussi les puissants, c’est pour les inciter à relever les humbles… comme nous y invite le Magnificat.

Durant cette période où la guerre, qu’elle soit hybride ou non, ravage notre terre, le labeur orchestré – de tant de corps de métiers pour restituer la splendeur de Notre-Dame est en lui-même un combat salutaire : il permet d’estomper les frontières du profane et du sacré pour sanctuariser et offrir à tous la beauté que nul ne possède.
Pour comprendre ce combat, écoutons d’abord Jacques Brel nous dévoiler le désir ardent de ne pas être abandonné et la promesse faite à la bien-aimée :

Je te ferai un domaine
où l’amour sera roi,
où l’amour sera loi,
où tu seras reine.

Écoutons ensuite Georges Brassens reprenant le poème de Francis Jammes.

Par les quatre horizons qui crucifient le monde,
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,
Par ceux qui sont sans pied, par ceux qui sont sans main,
Par le malade qu’on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins,
Je vous salue Marie.

Albert Camus appelait inlassablement à faire son métier d’homme et à ne pas se satisfaire d’un monde où les enfants meurent de faim, de soif, de désespoir.

Puisse la chaîne humaine, qui a permis de redonner vie à une cathédrale, nous inspirer pour unir toujours plus nos savoirs et nos savoir-faire en vue de bâtir, avec ou sans sapin de Noël, avec ou sans crèche, un avenir de paix.

Marie-Pierre Oudin