La rentrée s’est effectuée dans un monde secoué par les cataclysmes et les attentats. Partout, la mort nous interroge sur le sens de nos vies et nous contraint à choisir entre une entrée en guerre ou une entrée en paix.
La première exhibe ses engins à tuer et exerce sa fascination.
La seconde attire mais ne parvient pas à convaincre.
Quelle efficacité voulons-nous ? Telle est la question qui doit être clairement posée.
L’obscur désir de détruire hante un inconscient soucieux de refaire le monde en le dominant économiquement, socialement, idéologiquement, nucléairement :
Le nihilisme a besoin de dictateurs.
Le tenace désir de reconstruire habite ce même inconscient soucieux de renouveler le monde en canalisant ses énergies :
La démocratie a besoin de médiateurs.
Car c’est d’abord en nous-mêmes que se fait le questionnement et s’opère le choix entre une volonté de détruire qui conduit à la dégradation des personnes et une volonté de bâtir qui conduit à la dignité des personnes.
C’est en nous que se joue la lutte finale entre des forces contradictoires, les unes mortifères, les autres vivifiantes; les unes haineuses, les autres bienveillantes; les unes aliénantes, les autres libératrices.
Qu’on ne s’y trompe pas, l’envie de meurtre, la soif de vengeance, même sans passage à l’acte, existent en nous tous comme autant d’obstacles à franchir pour accéder à la claire conscience que, tous voués à la mort, nous ne sommes pas obligés de l’infliger. Forts de cette intime conviction, nous avons le devoir de ne pas déshumaniser l’ennemi. Nous avons le devoir de ne pas caricaturer l’image que les croyants pacifiques ont de Dieu ni celle que les humanistes ont de l’homme.
Bien que souvent défini comme un animal politique, un animal social, un animal religieux, l’homme n’est jamais réductible à sa seule animalité, et la loi de la jungle ne convient pas pour le juger. Même la guerre, et c’est un moyen d’amoindrir ses méfaits, a ses conventions internationales.
C’est donc résolument qu’il nous faut entrer en paix pour rester humains et ne pas brandir le châtiment comme l’ultime outil de dissuasion.
La peur, sous toutes ses formes, est en effet le plus sûr ferment de criminalité.
C’est à l’éducation que revient la lourde responsabilité de conjurer ce fléau.
Dès le plus jeune âge, l’enfant peut être initié à un discernement fondamental. Il peut apprendre que la sanction n’est pas une punition ni un châtiment. Dans une perspective non violente, non seulement il perçoit que tout acte a des conséquences, mais aussi qu’il est en situation de l’assumer en réparant sa faute ou son erreur. Cette sanction ne fait pas peur. Elle met en garde sans terroriser, elle éduque au sens de la justesse et de la justice.
C’est ainsi qu’on entre progressivement dans l’intelligence de la paix.
Il ne suffit pas de fustiger la barbarie, il s’agit de développer nos aptitudes à civiliser une société tout entière jusque dans ses bases.
Il nous faut changer de cap, rompre avec les amarres ordinaires de la guerre depuis la cour de récréation, premier lieu de la vie en société.
Entrer en guerre? entrer en paix?
Il n’est pas certain que nous ayons désormais le choix.
Entrer en paix est devenu l’impératif dont notre planète a besoin pour survivre.