Comme tous les ans, des jeunes enfants ont fait leur première rentrée scolaire. Quel avenir pour eux tous ?
C’est une question inévitable et la réponse ne peut être que complexe.
Le monde actuel nous oblige à relever des défis si gigantesques qu’ils bouleversent notre relation au temps et à son intervalle dans la durée de nos vies : la nostalgie du passé, l’éphémère de l’instant présent, la construction du futur s’entremêlent sous l’action de l’accélération des changements que nous n’avions pas prévus ou pas anticipés.
Capricieuse et imprévisible, la météo contredit notre besoin de stabilité et exacerbe une hostilité latente envers cette nature qui nous protégeait et que nous n’avons pas su préserver.
Nous voici en quête d’immuable, d’éternel même, au point de devenir transhumanistes voire complotistes, fervents défenseurs des progrès scientifiques, adeptes des pratiques tribales, assoiffés de développement personnel…
Dès lors, croyons-nous, nous pouvons aussi modifier notre rapport à la naissance, à la mort, puisque les progrès de la médecine le permettent, et même notre identité sexuelle…
Oui, mais voilà, sommes-nous physiquement et métaphysiquement, réellement, programmés pour ces transformations ?
Les tenants du conservatisme, du progressisme, de l’évolutionnisme aiguisent leurs arguments, divisent la société, déchirent les familles.
Il nous faut faire un constat : ce sont les enfants qui sont les premières et innocentes victimes de cette guerre qui n’avoue pas son nom, mais oppose dangereusement technique et sagesse. L’une et l’autre sont les produits respectables de l’intelligence. Encore faut-il qu’elles soient maintenues comme complémentaires par une volonté de concorde et d’humilité.
Certes, le roseau décrit par Jean de La Fontaine ne rompt pas alors que le chêne se disloque sous le coup de la tempête, mais il est vulnérable… comme un petit d’homme, un bébé dans son berceau.
Avons-nous le droit de nous pencher sur ce berceau, sans réfléchir – sérieusement – à l’accès facile au changement de sexe, à la gestation pour autrui et sa commercialisation, à l’usage très précoce de la contraception pour les très jeunes adolescentes en Occident tandis qu’en Afrique ou en Inde des femmes s’épuisent en subissant des multiples grossesses, faute de moyens de régulation des naissances ?
Avons-nous le droit d’occulter que nous sommes mortels, limités, dépendants des lois de notre espèce – n’appartenons-nous pas au règne animal ?…
Avons-nous le droit d’inventer un sur-naturel qui nous détourne de notre humanité au motif de vouloir augmenter indéfiniment nos performances et de nous libérer de toute contrainte ?
Jean de La Fontaine, encore lui, nous conte une histoire, celle de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf et finit par éclater.
Notre humanité risque elle aussi de se perdre en s’octroyant des dimensions qui ne sont pas les siennes et notamment celles d’ une vie sans finitude.
Les neiges éternelles ne se trouvent qu’en altitude, et peut-être pourrions-nous retenir de leur localisation ce qu’on appelle joliment la hauteur de vue.
Malgré notre petitesse dans l’univers, nous pouvons transmettre à nos enfants l’estime de soi et de son genre, le respect d’autrui, le sens de la justesse et de la justice.
Ces valeurs-là, dans l’enchaînement assumé du passé, du présent et du futur, ne rendent pas tout-puissants, mais tout simplement humains : femmes et hommes non pas concurrents, cantonnés dans un féminisme et un virilisme destructeurs, mais associés, mieux armés pour affronter les guerres et les bouleversements climatiques, nous serons plus aptes à protéger celles et ceux à qui nous donnons le jour.
Marie-Pierre Oudin